Voici un roman que l’on ne présente plus. Sorti en 2007, il a depuis été traduit dans trente-sept pays, et a même été adapté au cinéma. Pourtant je ne l’avais encore jamais lu. Je savais qu’il était question d’une petite fille juive pendant la rafle du Vel d’Hiv, mais rien d’autre. En fait, j’ignorais la plus grande partie de l’histoire, celle concernant la journaliste américaine soixante ans après les terribles événements. À dire vrai, j’ai souhaité découvrir ce livre pour sa renommée uniquement. Le synopsis me rappelait celui de Un goût de cannelle et d’espoir, roman dans lequel l’alternance des deux époques ne m’avait pas franchement convaincue.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Paris, juillet 1942 : Sarah, une fillette de dix ans qui porte l’étoile jaune, est arrêtée avec ses parents par la police française, au milieu de la nuit. Paniquée, elle met son petit frère à l’abri en lui promettant de revenir le libérer dès que possible. Parais, mai 2002 : Julia Jarmond, une journaliste américaine mariée  à un français, doit couvrir la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv. Soixante ans après, son chemin va croiser celui de Sarah, et sa vie va changer à jamais.

Mon avis

Pour être honnête, j’ai lu très peu de réels avis sur cette histoire. J’ai compris qu’il me fallait la lire, son titre croisant ma route régulièrement, mais sans connaître les raisons de son succès, contexte historique mis à part. Aussi, j’ai pu commencer cette lecture plutôt sereinement ; et c’est un avis en demi-teinte que je vous livre.

Nous suivons donc deux personnages : Sarah, une fillette de dix ans déportée à Beaune-la-Rolande après une séquestration au vélodrome d’Hiver, elle a enfermé son petit frère de quatre ans dans le placard de leur chambre en lui faisant la promesse de venir le récupérer au plus vite ; et Julia, une journaliste américaine ignorante de cette sombre page de l’histoire parisienne, elle doit écrire un article commémoratif.

Très vite pourtant, une époque prend largement le pied sur la seconde, l’écrasant littéralement pour nous la faire oublier. Les années 2000 et les aventures de Julia passent au premier plan, Sarah et son calvaire n’ont alors plus d’existence que dans les souvenirs remués par Julia et dans lesquels sa belle-famille a semble-t-il été mêlée. En effet, celle-ci a récupéré l’appartement des parents de Sarah quelques semaines après leur déportation et s’y est durablement installée, c’est aussi entre ces murs que Julia et son mari envisagent d’emménager. En parallèle, se construit une intrigue autour de la grossesse surprise de la journaliste, rejetée par son mari qui l’oblige à avorter.

Le gros point noir de ce roman est ce que j’en retiens, à savoir Julia et ses soucis conjugaux. Je doute que ce soit là l’ambition initiale de l’auteure. Lorsque l’on évoque la déportation des juifs il est difficile d’en faire un simple décor. Et pourtant, cette page de l’histoire est ici étrangement évoquée. La construction narrative est en défaveur du drame de la petite Sarah. Aussi, les troubles de Julia ont une saveur bien aigre dans un tel contexte. Une vie prend forme dans son ventre, et cette petite chose va être à l’origine de l’éclatement de son couple. La bêtise de son conjoint ne parvient pas à adoucir l’incompréhension ressentie face à certaines de ses réactions et autres questionnements, bien futiles en face du monument d’horreur représenté par les camps de concentration. À travers cette grossesse, dont la poursuite est incertaine, Tatiana de Rosnay a voulu créer un lien pour faire sens entre les deux époques. Elle a souhaité susciter l’émoi, la sympathie, l’indulgence, et surtout interroger cette maternité au regard des événements que Julia va mettre à jour. L’idée est judicieuse, pertinente et touchante ; pourtant cette grossesse a selon moi sinon écarté l’essentiel, du moins atténué la violence du reste.

Car il y a tout de même cette petite Sarah, à laquelle le lecteur sera obligé de s’attacher ; même si son cœur est fait de pierre, même si le récit est parfois maladroit. En réalité, c’est à travers son petit frère que je l’ai appréciée, elle, victime de l’histoire familiale et de la plus grande, enfermé dans son étroit placard il est l’innocence et l’ignorance face aux drames se jouant à l’extérieur. C’est un amour indéfectible que Sarah lui porte, simplement beau. L’unique présence de Michel m’a troublée et profondément émue. Je me le suis représenté, ce garçonnet attendant sa grande sœur dans le noir et le silence ; cette pensée me donne des frissons. Et c’est sur les frêles épaules de Michel que repose tout le récit. En reliant les divers éléments, l’appartement, la belle-famille de Julia et le petit garçon, vous comprendrez où se situe l’ultime rebondissement.

Je n’ai donc pas été particulièrement suspendue à la destinée de Sarah, la fillette et plus tard l’adulte. Il y a aussi ses parents, dont les interventions m’ont perturbée. Leurs réactions et leurs paroles m’ont paru très dures, très distantes ; que ce soit lors de leur arrestation, au vélodrome ou dans le convoi les menant au camp. Ils m’ont semblé ne pas se soucier de leur enfant resté à l’appartement ; Sarah s’attribue une mission qui ne devrait pas lui revenir. Puis, les parents ne seront plus évoqués, il restera Sarah et Michel. En réalité ces analepses, qui agrémentent à un rythme soutenu la première partie du texte et servent à illustrer et intensifier les recherches, journalistiques et intimes, de l’héroïne, sont soit trop nombreuses, soit pas assez. En effet, les plongées en 1942 s’arrêtent lorsque Sarah se rend dans l’appartement, en vu de libérer Michel. La suite nous sera racontée plus tard. Faire l’impasse sur ces souvenirs précis, la déportation et la fuite de Sarah, et soulever le voile petit à petit, en même temps que Julia donc, aurait certainement accentué la violence du secret, qui prend racine le jour même où Sarah remet les pieds à Paris. Ou bien, poursuivre le récit de Sarah sur ce mode, au plus près de son histoire, aurait davantage titillé ma sensibilité ; car il est ensuite relaté par d’autres personnes, la confession adoucissant, je trouve, la brutalité des faits.

Enfin, il y a le secret de famille autour de ce lugubre appartement. Là où le poids du non-dit aurait dû être largement accentué et exploité, il n’est que suggéré. Les langues, scellées durant des décennies, se délient bien vite. Je pense que ce roman aurait gagné en épaisseur s’il s’était concentré sur le seul poison représenté par ce fantôme du passé. Julia arrive avec ses gros sabots, elle annihile tout ce qui entoure ledit secret, son retentissement, ses conséquences, en y mêlant son vice de journaliste, sa colère envers son conjoint et ses tourments de grossesse. Au final, Julia est aveuglée ; mais ce n’est pas de sa faute, l’auteure lui fait subir la faiblesse des autres.

Vous l’aurez compris, Elle s’appelait Sarah ne m’a pas convaincue. Les récits se déroulant sur deux époques sont toujours délicats, en témoigne le roman de Sarah Mc Coy. Ce mode narratif a ses faiblesses, difficiles à surmonter. Je regrette l’essentiel, à savoir l’histoire autour du personnage de Sarah, finalement creuse ; non pas qu’elle soit dénuée d’intérêt, loin de là, mais elle est pauvrement traitée. Tandis que Julia absorbe tout le sentimentalisme de l’histoire, et c’est tout de même difficilement concevable. Je retiendrai aussi le petit Michel, dans son immobilité il a recueilli toute mon affection ; et l’amour fraternel, si fort. Il y a bien sûr la piqûre de rappel quant aux événements honteux de juillet 1942, trop succinctement évoqués mais dont le souvenir est essentiel.

Après avoir terminé cette lecture, j’ai souhaité regarder le film. J’aurais dû m’en abstenir. Il accentue considérablement les défauts du livre. Il est plein de longueurs, notamment dans la deuxième partie, abominablement lente et mièvre, devant laquelle je me suis endormie. Non, décidément, cette histoire ne me convient guère.

Et vous, qu’avez-vous pensé de ce récit qui a traversé les océans ?

 

 

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