Pour changer je ne vous présente pas un roman aujourd’hui, mais un essai d’économie. Autant vous dire que l’économie et moi ça fait deux, mais si j’ai choisi de vous parler de ce livre c’est qu’ici l’auteur traite d’un domaine bien particulier, qui représente la partie obscure de l’économie, il s’agit de l’économie comportementale. J’ai souhaité me procurer ce livre après avoir découvert Dan Ariely grâce à une interview parue dans le magazine Sciences Humaines. J’ai été amusée par sa théorie, qui me paraissait bien plus accessible que n’importe quelle autre, car ses fondements s’inscrivent dans la singularité de l’Homme, ses ambivalences et l’absurdité de son comportement dans des conditions bien spécifiques. En somme, l’économie comportementale est davantage un domaine de la psychologie sociale, et c’est en cela que j’ai eu envie de la découvrir.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Pourquoi la période des soldes nous pousse-t-elle à acheter des choses dont nous n’avons aucun besoin ? Pourquoi sommes-nous persuadées qu’une aspirine à 50 centimes nous guérit plus sûrement qu’un cachet à 5 centimes ? Pourquoi cessons-nous à midi le régime que nous avons décidé le matin ? Pourquoi, en d’autres termes, des gens intelligents comme vous et moi prennent régulièrement des décisions absurdes ? Parce que nous ne sommes pas aussi rationnels que nous voudrions, et cette irrationalité se traduit par une multitude de « mauvais » choix, qui touchent tant à notre quotidien qu’à des décisions plus engageante – acquérir une maison, changer de travail ou se lancer dans une relation amoureuse. Conçu à partir d’expériences aussi variées qu’instructives, ce livre aide à déjouer les pièges de notre irrationalité.

Mon avis

Mes attentes en ouvrant ce livre étaient dans un premier temps de m’amuser, en riant de l’Homme et de sa bêtise, puis de m’instruire, et enfin de méditer. Je souhaitais être surprise, décontenancée, poussée dans mes retranchements. En bref, j’espérais beaucoup de cette lecture.

Mais, passés les premiers chapitres, qui étonnent par leur impertinence, leur ancrage dans le quotidien et les quelques expérimentations exposées, il se trouve que l’on tourne en rond. C’est-à-dire que ce livre est fait de multiples répétitions tournant autour d’une seule idée générale, exprimée, décortiquée et mise en pratique dans diverses situations.

Me concernant, je n’ai pas franchement eu l’impression d’être face à d’incroyables révélations, car finalement, dans l’absurdité du comportement humain que tente de nous démontrer à l’excès l’auteur, j’ai trouvé une certaine cohérence, ce qui peut paraître contradictoire avec le postulat de départ, à savoir que l’Homme agit avec incohérence. Nous savons tous, ou presque, que ce dernier est bien loin de toujours se comporte de manière totalement réfléchie et éclairée, surtout dans le domaine de la consommation. Je n’ai pas décelé à travers les propos de l’auteur une théorie révolutionnaire, c’est comme s’il reprenait des éléments déjà exposés par d’autres auteurs, chercheurs ou autres, en les mettant en pratique dans des situations bien précises. Il ne creuse pas assez les questions qu’il soulève, alors même que celles-ci auraient mérité d’être davantage développées. J’aurais en effet souhaité que Dan Ariely développe les mécanismes psychologiques qui entrent en jeu dans les prises de décision qu’il tente de dévoiler. Mais il se contente des résultats, sans s’extraire de la réalité expérimentale, sans sortir du cadre rassurant de ses propres études afin d’aller plus loin dans la réflexion et dans l’explication. Et en cela je suis extrêmement déçue, car en ouvrant ce livre je m’attendais à y trouver, en plus d’un aspect purement pratique, à travers les expérimentations donc, une théorisation plus poussée de la psychologie du consommateur.

Ce livre est une suite d’expériences, de questions et de recommandations. En ce qui concerne ces dernières, je n’ai pas bien saisi leur place dans cet essai, car elles brisent son aspect ludique. C’est-à-dire que l’auteur nous présente ses observations, puis il clôt les chapitres par des sortes de leçons de vie, dans lesquelles il s’octroie une position de sage où nous, lecteurs, ne semblons être que des humains irréfléchis aux actes irraisonnés. Il est vrai que le portrait qu’il dresse de l’individu lambda est peu flatteur, mais se mettre à son niveau, s’inclure dans le processus, en évitant une hauteur légèrement condescendante aurait été plus approprié au ton de son livre. D’autant plus que, et je vais y revenir, il ne nous apprend rien que nous ne savions, ou tout du moins, que nous ne supposions déjà. En fait, il semblerait que Dan Ariely ait la prétention de supposer que ce qu’il expose aura un impact suffisamment important chez son lecteur pour être à l’origine d’une modification dans sa manière de prendre des décisions, autrement dit d’une partie non négligeable de son être. L’aspect amusant de cette histoire devrait être, selon moi, de se moquer de l’Homme en lui faisant prendre conscience qu’il aura beau essayer d’être plus rationnel, il reste dominé par quelque chose de bien plus puissant que sa volonté. Ce n’est certainement pas cet exposé qui provoquera le moindre changement, car ce qu’il démontre justement c’est que l’Homme, par nature, est irrationnel, et ce depuis la nuit des temps. Une fois qu’on l’a compris, on ne peut que rire de soi-même, et c’est déjà un pas non négligeable, qui n’aura aucun impact sur notre quotidien si ce n’est de nous désoler de la prévisibilité de nos propres actes.

Au sujet des expériences, puisque celles-ci représentent la matière première du livre, son essence, et ce pour quoi il a été écrit; au début, elles paraissent amusantes, authentiques, nous faisant bien souvent nous dire « mais oui, c’est vrai, qu’est-ce que je peux être stupide ». Malheureusement, elles deviennent vite répétitives de par leur cadre d’application. En effet, elles mettent à l’épreuve les mêmes sujets, à savoir des étudiants de grandes écoles américaines, dans des conditions bien souvent similaires s’inscrivant dans la relation enseignant-élève. Bien que je reconnaisse que ces expériences permettent de soulever certaines vérités, que l’on peut aisément appliquer à soi-même, j’aurais trouvé plus judicieux, plus pertinent, moins biaisé, que l’auteur nous en propose dans des environnements éloignés, auprès de populations nettement distinctes. Néanmoins, il est vrai que Dan Ariely évolue lui-même dans un environnement universitaire, qu’il côtoie donc majoritairement des étudiants et que ceux-ci représentent des cobayes de choix pour mener des expériences. Mais, j’ai quand même envie d’émettre certains soupçons quant à la possible généralisation des résultats, car il ne faut pas oublier les facteurs âge et milieu social/culturel (je rappelle qu’il s’agit d’étudiants d’écoles prestigieuses) qui entrent forcément en jeu dans une certaine mesure.

J’ai donc l’impression que Dan Ariely enfonce des portes ouvertes. L’Homme est irrationnel, il n’y a rien de nouveau dans cette démonstration. En fait, je pense que ce livre n’aura pas le même accueil en fonction du camp dans lequel se situe le lecteur. Disons que s’il se retrouve entre les mains d’un économiste traditionnel, ce dernier le trouvera certainement grotesque car, pour lui et sa théorie l’individu est immuable et prévisible, forcément mû par la raison. En ce qui me concerne, je me retrouve plus du côté de ceux qui font du pulsionnel et de l’instinctif des éléments déterminants chez l’Homme, et suis convaincue que ce dernier agit bien souvent sans réfléchir, animé par des mécanismes archaïques incertains. Je prends par exemple le chapitre intitulé « Le facteur excitation » dans lequel l’auteur nous dit que sous l’excitation (qui est ici d’ordre sexuelle) nous agissons en mettant totalement de côté nos acquis, notre morale, voire même notre personnalité. Mais il est évident que tout état émotionnel exceptionnellement fort nous fait perdre nos moyens et oublier nos objectifs initiaux, je ne vous apprends rien. Finalement tout est cohérent dans cette incohérence, voire même bien trop prévisible. Retour au point de départ. Ce livre nous prouve juste que l’Homme est un être d’instinct, l’Homme est égoïste, l’Homme n’est pas prévoyant, l’Homme est naïf et manipulable, et l’Homme est de mauvaise foi.

En conclusion, C’est (vraiment ?) moi qui décide saura trouver une place sur votre table de chevet c’est certain, car il parvient tout de même à faire sourire, il nous pousse à nous questionner sur nos propres actes d’achat, sur notre bêtise qui est totalement  exploitée par le marketing des grosses marques, et sur notre comportement face à l’argent. Mais n’en ayez pas trop d’attentes, hormis celle de vous divertir, car le sujet n’est malheureusement pas assez abouti.

Et vous, ce genre de lecture à la fois instructive et amusante vous attire-il ?

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