En général, je ne suis pas orientée vers la « rentrée littéraire » ; quoique ceci se soit sensiblement modifié depuis l’ouverture de ce blog. Cependant, mon cher et tendre m’offre chaque année un livre du cru. Cette fois-ci il en a dégoté un de manière un peu aléatoire ; le résumé lui a plu et, pensait-il, me plairait aussi. Il est vrai qu’il est plutôt séduisant (le résumé hein ;)) ; mais ne connaissant pas l’auteur je pénétrais en terre totalement inconnue.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

4 h du matin, dans une belle maison à l’orée du bois de Vincennes, le téléphone sonne. Thomas, 37 ans, informaticien, père de deux jeunes enfants, apprend par un appel de la gendarmerie que sa femme vient d’avoir un très grave accident, sur une route où elle n’aurait pas dû se trouver. Commence une enquête sans répit alors que Camille lutte entre la vie et la mort. Puis une quête durant laquelle chacun des rôles qu’il incarne : époux, père, fils et frère devient un combat. Jour après jour, il découvre des secrets de famille qui sont autant d’abîmes sous ses pas.

Mon avis

Ce roman m’embête beaucoup. Ai-je adoré ? Ai-je détesté ? Suis-je passée à côté ? Il a au moins le mérite de ne pas laisser indifférent. En le refermant, j’étais partagée entre le soulagement, après une lecture longue et harassante, et une pointe de tristesse, de quitter un petit monde finalement attachant, et après m’être familiarisée, non sans heurts, avec la plume particulièrement fouillée de l’auteur. Deux cents pages, c’est ce qu’il m’a fallu pour consolider ma motivation à le terminer ; car avant cela le désir de laisser tomber m’assaillait à chaque ligne. Une seule page a suffi pour comprendre où je mettais les pieds, dans un texte métaphorique, bavard à outrance, détaillé et pas assez ciselé à mon goût. C’est le genre de récit qui se satisfait d’une critique portement purement sur son style, l’histoire mise de côté ; car avant toute intrigue, tout personnage, il y a cette écriture, elle se suffit à elle-même, elle s’auto-alimente. L’auteur fait fi de toutes les règles syntaxiques, typographiques et d’une ponctuation régulière. Il s’autorise des phrases de dizaines de lignes, des changements de temps qui feraient hérisser les poils de tout bon professeur de français, les dialogues eux se mêlent à des passages descriptifs.

Nous avons un agglomérat de phrases, à décortiquer, à isoler pour mieux les comprendre. Le lecteur doit fournir un effort immense pour mettre du sens dans tout ceci. C’est la raison pour laquelle mon ressenti tend vers la colère, car ce roman je l’ai bien trop souvent détesté durant ma lecture. C’était trop pour moi. Prétentieux, oui carrément. Et pourtant, je suis la première à me délecter de phrases complexes, de tournures alambiquées, de métaphores poussives ; c’est le plaisir de l’écriture, s’amuser avec les mots. Mais ici, ce petit jeu se répétait à chaque ligne, comme si l’auteur s’exerçait à trouver la formulation la moins accessible possible. Toute chose qui ne serait jamais passée pour un premier roman.

Bref, vous l’aurez compris, pour terminer cette histoire il faut s’accrocher, persévérer ; passer outre les nombreuses lignes obscures dont vous ne saisirez jamais le sens véritable. Et puis, est-ce la propre lassitude de l’auteur, ou bien le phénomène d’adaptation, car dans la seconde partie j’ai été moins dérangée ; j’ai pu me concentrer pleinement sur l’histoire (j’y viens j’y viens). Et j’ai même pris goût aux tournures étranges, appréciant parfois la poésie des mots, relevant des pensées plaisantes. La longue partie se situant au Cameroun est remarquable tant les sens sont en éveil à travers le paysage se déroulant sous nos yeux, la chaleur étouffante, la moiteur de la peau, le goût des plats traditionnels ; j’ai voyagé avec Thomas en traversant ce pays tout en contrastes.

Concernant l’histoire donc, elle pourrait être résumée très brièvement. Un homme, Thomas Texier, perd sa femme et doit se reconstruire une existence auprès de sa famille, ses deux enfants, son frère, sa sœur, sa mère et son travail. C’est un récit sur le cheminement de l’individu confronté à une situation où tout est à repositionner, à revoir, à reconsidérer, partant d’un drame. La particularité du texte sont les nombreuses ellipses temporelles qui jettent l’ombre sur les événements marquants. Le lecteur les découvre plus tard, en faisant des recoupements. En est-il ainsi du décès de Camille, non retranscrit, deviné longtemps après. Nous suivons Thomas en marge des points marquants de son existence, dans ce qui fait lien entre eux et non au cœur des faits ; dans les impressions qui restent, les souvenirs, les traces de l’absence. Voila pourquoi Thomas m’est apparu un être plat, stoïque, rigide, car le texte le préserve des émotions fortes, des secousses de l’existence, en exposant plutôt le quotidien libéré de l’oppression de l’imprévu, du drame. Thomas est un personnage lissé, poli, à l’inverse de la plume de l’auteur, virulente et hachurée. Il est en creux alors que l’écriture déborde.

La construction du texte semble suggérer qu’il absorbe les chocs de sa vie avec une étonnante facilité, presque une lassitude, une nonchalance. En témoignent les nombreux incidents de la route parsemant le récit et faisant écho à l’accident ayant coûté la vie à son épouse, qui le laissent comme pantois. Ils sont des arrêts brutaux dans le temps, comme une respiration, pour reprendre son souffle, mais aussi se rendre compte de la violence du reste.

Au commencement du septième jour est un assemblage d’impressions fort contrastées. D’ailleurs, un passage du texte, le plus violent, expose parfaitement cette idée. Quand Thomas est interrogé par la police camerounaise, il doit alors raconter inlassablement des faits, des événements, mais lui divague, narrant ses impressions seules, contournant la brutalité des faits, s’arrêtant sur des images fugaces.

L’alternance des décors, le Paris, accéléré et bruyant, l’entreprise de Thomas, inquisitrice et liberticide, les montagnes pyrénéennes, rocheuses et mortifères, le Cameroun, aride et pauvre, la route, paisible ou dangereuse, sont autant d’étapes au deuil de Thomas lui permettant dans le même temps de renouer avec ses racines.

En effet, avec ses nombreux périples entre les Pyrénées, auprès de son frère aîné devenu berger, et le Cameroun où vit sa sœur médecin, Thomas découvre des secrets enfouis dans l’histoire familiale éclatée. C’est l’aspect plus classique de l’intrigue, plus conventionnelle ; sans grande originalité concernant ce qui est mis au grand jour. Je n’ai pas été saisie par les révélations, vers lesquelles mon attention n’était pas tournée. Alors que le début de l’histoire s’oriente vers une enquête personnelle menée par Thomas autour de l’accident de Camille, le récit s’envole vers d’autres contrées. Une fois la dernière page tournée, de trop nombreuses questions restent en suspens quant à ce premier drame, comme écrasé par la quête, plus intime, de Thomas. Des interrogations persistent sur d’autres points, comme son avenir professionnel, incertain; cette question revenant régulièrement dans le texte.

Au commencement du septième jour est un roman sur la reconstruction et le poids des non-dits, sur la famille, dont on ne peut jamais totalement se détacher, sur le lien fraternel, dont la force est ici palpable, et aussi sur l’absurdité du monde de l’entreprise, exposé comme la face sans affects du monde. Le style, lourd, est un rempart solide pour accéder à l’intrigue, il l’ornemente, la camoufle. Il faut apprivoiser la plume pour ensuite saisir l’intensité du drame intime et familial porté par ce roman.

Et vous, la rentrée littéraire ça vous parle ? Un ou plusieurs livres vous tentent-ils ?

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