Sandrine Collette est une auteure dont je me suis juré de suivre les publications. Elle est, selon moi, une nouvelle voix de la littérature française. Audacieuse, originale et ambitieuse, elle se renouvelle à chaque parution en proposant des univers uniques et des intrigues hors de toutes frontières.

Résumé de l’éditeur

Une petite barque, seule sur l’océan en furie. 
Trois enfants isolés sur une île mangée par les flots. 
Un combat inouï pour la survie d’une famille. 

Mon avis

Il n’y a, dans cette histoire, rien que j’aie déjà lu. Prodigieux. Imaginez une famille de 9 enfants isolée dans sa maison-île après qu’un tsunami titanesque a ravagé le pays. Les terres sont devenues mer. L’eau ne cesse de monter un peu plus chaque jour, rendant tout espoir de survivre chez soi tout bonnement inenvisageable. C’est pourquoi père et mère embarquent avec eux six de leurs gamins sur un navire de fortune, en route vers les Hautes Terres, celles qui n’ont pas encore été englouties.

Ceux qui restent, laissés dans leurs lits avec un post-it comme Adieu, sont les trois du « milieu » , trois infirmes : l’une est borgne, l’autre claudique, le troisième est minuscule, et une trentaine de poules caquetantes et un coq fier.

A partir de là, Sandrine Colette nous raconte une aventure humaine, climatique, sociale et presque guerrière. Les petits robinsons doivent se débrouiller, abasourdis d’avoir été abandonnés mais croyant au retour du père comme au bon Dieu. Ils mangent des œufs, se font des crêpes qui n’ont rien de festifs, boivent les bidons d’eau et tentent de pêcher avec les moyens du bord.

De leurs côtés, les parents et le reste de la tribu font face aux flots et aux cieux. Le père dirige le navire, les aînés comme matelots, les plus jeunes dans les jupes de leur mère qui pleure ses autres enfants, se rendant coupable du pire crime qui soi.

La scène est atroce. Face à des conditions dantesques, nous voici confrontés à un terrible drame familial, ne sachant vers qui nous attendrir. Les trois petiots deviennent vite attachants, pleins d’imagination, encore morveux et geignards mais l’espoir gonflant leurs veines. Ce trio est brillant.

Le périple du reste de la famille prend des allures de Radeau de la Méduse, entre les cris de désespoir d’une mère dont l’on ne comprend que trop bien les blessures, et les cris de victoire des autres dès qu’une terre apparaît à l’horizon.

C’est fin et puissant, injuste et effrayant. La nature est colérique, affamée, sans scrupules. Les survivants sont des jusqu’au-boutistes aux instincts en éveil perpétuel ; ils ne dorment jamais, ils guettent. Survivre quoi qu’il en coûte. Sauver au moins l’un des leurs.

Au fil de mes lectures de Sandrine Collette, j’ai appris qu’elle s’est fait une spécialité de raconter la survie dans des milieux hostiles. La neige, un ghetto, une geôle. Elle ne cesse de repousser les limites du supportable, s’amusant à manipuler la météo ou la cruauté des autres afin d’observer, comme un laborantin au-dessus de son microscope, leurs effets sur de pauvres personnages trop aimants, trop candides, trop vivants. Au fond, peu importe la crédibilité du contexte ; c’est justement cette porte ouverte vers l’improbable qui rend l’histoire encore plus fabuleuse, presque magique. Le cadre est indéfinissable, le genre tout autant. Sandrine Collette se fiche bien d’ennuyer le lecteur en racontant la perdition et le désespoir de trois enfants ; a priori sur leur îlot il ne se passe pas grand-chose. Le lecteur, pourtant, sera saisi par la justesse des réactions et des émotions.

Je pense à la culpabilité de la mère, si exactement décrite que je ne lui en ai jamais voulu de laisser derrière elle trois petits. La succession désordonnée des sentiments éprouvés par les gamins, alternant excitation, chagrin, espoir, est succulente à découvrir et m’a réconciliée avec les récits mettant en scène cet âge un peu pénible.

En somme, Sandrine Collette s’acharne en priorité, je crois, à rendre cohérent le parcours de ses personnages. Pour cela, elle n’hésite pas à prendre des voies moins marketings, mettant de côté des options séduisantes au profit d’un profond respect, que tous les auteurs devraient avoir, envers une ligne de conduite logique. Le lecteur se contentera d’un suspense moins spectaculaire mais plus efficace sur la durée puisque les péripéties, justement dosées, lui permettront de se lier comme rarement avec les héros.

Juste après la vague est un roman fort qui détonne en revenant à l’essentiel de la littérature : imaginer des caractères et personnalités familiers évoluant dans une aventure extra-ordinaire. Le sablier c’est l’eau qui monte, le ciel qui se noircit, les poules qui crèvent l’une après l’autre, le stock de crêpes qui diminue. Une course contre la nature s’engage, une course pour ne pas laisser la réalité prendre le dessus sur ses croyances, ses espérances, l’amour envers les siens et préférer se laisser mourir, là, par un individualisme totalement excusable. Le droit d’abandonner est impossible. Le droit d’être pessimiste non plus.

Juste après la vague est une très belle leçon de courage, de persévérance et de solidarité. Entre frères et sœur c’est encore mieux, la morale est plus douce, la fin plus émouvante. Sans vouloir faire jaillir les larmes, ni émouvoir plus que de raison, Sandrine Collette parvient à insérer du sensible, de l’affectif au milieu d’un désert aquatique et d’une errance matérielle. Ce roman est une pure réussite, un instant de grâce qui vous donnera, j’en suis sûre, envie de lutter contre vents et marées.

Et vous, avez-vous déjà lu cette auteure ?

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